mercredi 28 février 2007

Dans la prairie

Sans vouloir me vanter, je crois que la flore de notre prairie humide est heureuse d'avoir (re)trouvé un jardinier pas trop interventionniste, un Germinal pas fana de la tondeuse. Depuis que nous sommes arrivés, les perce neige indigènes sont chaque hiver plus abondants. La force de ces petits bulbes est étonnante. Ils tirent leur épingle du jeu dans un milieu où toute "importation" est délicate. Tant de force, cachée sous tant de légèreté...


Aujourd'hui, on voit bien que les perce neige sont sur la fin. De nombreuses touffes n'exhibent plus que leurs capsules de graines au dessus de leur feuillage tirant sur le gris... J'ai lu dans le Gardens Illustrated de février, où ils sont d'ailleurs en couverture, que c'est maintenant qu'il faut les diviser, après la floraison, quand ils sont "in the green".


Les perce neige sont sur la fin, les ficaires commencent à illuminer la prairie. Le jaune soleil succède au blanc. je ne sais pas ce que cela va donner cette année, mais l'an dernier, ils formaient un tapis lumineux éblouissant.


Pour l'heure, ils sont encore timides et clairsemés, mais la présence des ficaires, frustes indigènes eux aussi, me réchauffe le coeur. Quand l'herbe commencera à monter, ce sera le tour de la cardamine des prés et des petits oeillets de colorer l'herbe si ennuyeuse quand elle règne sans partage, le rose succédera au jaune...

mardi 27 février 2007

La réalité d'en face

Depuis les origines de ce carnet de jardin intime modeste et néanmoins génial, on est sur un petit nuage, on se berce d'illusions paradisiaques, on tisse un jardin rêvé.

Mais il y a des limites à tout, même aux rêves les plus beaux. Germinal doit la vérité à ses aimables visiteurs, Germinal se doit de regarder la réalité en face. Et la réalité, c'est çà !


Enfin, une partie de la réalité, Dieu merci ! Mais pour être honnête, il ne me serait pas venu à l'idée de prendre cette photo. C'est Charles qui, dans son adolescente sagesse, a trouvé ce biais subtil pour aider son père à affronter le réel. Merci mon fils.

Maintenant le village planétaire tout entier sait pourquoi le jardinier danse autour du totem : il danse pour oublier.

Il danse parce que les haies d'armoise et de tournesols à petites fleurs ne fleurissent pas en hiver, parce qu'il arrive toujours un moment où il faut rabattre les grandes graminées... les grandes graminées qui dansent autour du totem, agitant leurs inflorescences dans le vent fougueux comme Sitting Bull sa parure de plumes... Ah, Panicum, valeureux guerrier, emmène moi dans ta grande Prairie...


lundi 26 février 2007

Hormine for ever

J'ai semé l'an dernier pour la première fois une sauge annuelle, la sauge 'Hormine'. Plante facile s'il en est, semis en place à partir de mai, floraison abondante et loooongue, semis spontanés généreux... que demande le peuple ?


L'hiver, certes très doux jusqu'à présent, n'a pas empêché certains pieds de fleurir non stop ; la photo ci-dessus a été prise le 9 décembre dernier. Ici et là dans le jardin, la relève est assurée... Nepeta 'Six hills giant' n'a qu'à bien se tenir !
Ah, j'oubliais : la sauge hormine est hautement mellifère... j'ai donné un sachet de graines à mon gentil voisin Laurent, qui se lance dans l'apiculture depuis l'an dernier

dimanche 25 février 2007

Jardin hirsute

Cette semaine, j'ai découvert qu'à la faveur du "repos" hivernal, mon jardin m'avait préparé des surprises. En faisant le tour des Panicum pour les rabattre, j'ai découvert que mes euphorbes ne s'étaient pas seulement ressemées au pied. Voici un bébé voyageur, tapi dans la paille des graminées :


Dans la bordure d'en face, une demi-lune plantée de six rosiers et bordée de népéta et de sauge Hormine, je me suis aperçu que mon rugosa 'Scabrosa', dont ce sera bientôt le troisième été, pointait ses drageons jusqu'à un mètre du pied :


Pour les euphorbes, il est évident que le jardinier va devoir faire son bon intendant, et que les petits nouveaux vont déménager : mis en godets, en pépinière, offerts ? Pour les drageons de rosier, je suis moins sûr. Dans son livre sur son jardin de Dungeness, Derek Jarman, s'insurgeant contre l'esthétique proprette et stéréotypée des jardin du National Trust, écrit : "If a garden isn't shaggy, forget it!". Voilà qui pourrait devenir ma devise...



Je crois que je vais écouter l'Homme Vert, le bon génie qui veille sur le jardin : je vais laisser les drageons de rugosa où ils sont... pour voir !

samedi 24 février 2007

La beauté des laids...

...Se voit sans délai...

Quoi de plus beau en effet qu'une nature "morte" monochrome au coeur du jardin d'hiver, quand les plantes officiellement décédées continuent de ravir l'oeil et le coeur du jardinier contemplatif ?



Quoi de plus émouvant que l'austère silhouette de ces plantes en hiver, pâle souvenir de ce qui n'est plus, mais déjà promesse de ce qui est à venir ?

vendredi 23 février 2007

Totems

Le jardinier jardine pour s'élever, pour s'abstraire du monde. Le jardinier rêve son jardin comme centre du monde, comme paradis. Le jardinier jardine comme on lance un moulin à prières, bêchage et désherbage sont sa psalmodie...


Tout cela est vrai, sûrement. Mais en même temps, à mesure que son lopin se fait jardin, le jardinier jardinant toujours plus profondément s'enracine dans sa terre. Le jardinier est un païen qui voue un culte à la terre mère.





Jour après jour, il danse autour du totem, répétant jusqu'à la transe cette antienne sauvage : Omphalos, omphalos, omphalos...





Si le choix m'avais été donné, j'aurais installé des galets tirés de la Dordogne ancestrale...

Comme Derek Jarman à Dungeness, j'aurais pu tracer des cercles magiques, figures de perfection. Mais j'aime ces pierres sorties de la mer, obligeamment percées par les mollusques. Dans mon jardin, elles sont totems, sentinelles venues du fond des âges. Ou encore évocation du travail des hommes sur la nature, comme dans cet hétéroclite assemblage, où le gros galet épouse une vieille goupille de charrette trouvée dans un champ à l'abandon :



jeudi 22 février 2007

Jardinier des âges farouches

Il est des jours où le jardinier, las de la modernité moderne trop lisse, éprouve l'irrépressible besoin de laisser parler la bête tapie au fond de son coeur d'homme.
Hier était un de ces jours, il fallait agir :


En pareil cas, éliminer les branches mortes et autres feuillages difficiles à composter sans broyeur fournit au jardinier primal une excuse en or. Pour laisser parler la bête, le jardinier des âges farouches allume le feu primordial.


Pour autant, le jardinier farouche sait la valeur écologique de son environnement : il prend soin de ne pas mettre le feu directement au tas de branches. Il crée le bûcher à côté. De ce va et vient naît un ballet âpre mais non dénué de grâce (oui, Germinal aime les accents circonflexes) :


Chante, O Muse, la joie qui inonde son coeur farouche quand, son labeur touchant à sa fin, le jardinier découvre frère crapaud qui sommeillait sous le tas de débris !

mercredi 21 février 2007

I like to be alone

"J'aime être seul, pas tout le temps, bien sûr ; quoique, si je devais choisir entre solitude perpétuelle et compagnie perpétuelle, l'option solitaire serait sûrement la plus tentante".
J'ai lu ces mots dans le dernier billet "Writer's Plot" de Frank Ronan, dans le Gardens Illustrated de février ; un peu frimeur, mais assez proche d'un sentiment qui parfois m'étreint.

C'est vrai, quand on y pense, jardiner est une activité essentiellement solitaire. Même entouré, le jardinier, porté par le rythme de son activité, concentré sur le geste, finit par s'abîmer dans la contemplation.
Le jardinier jardinant est seul au monde...


Mais qu'il est fier, ensuite, d'exhiber le fruit de son labeur aux autres ! Lui seul sait combien d'effort, de soins, de sueur, la création de telle bordure lui a coûté ; avec quelle férocité il a extrait la moindre racine, expurgé le moindre bout de verre incongru légué par ses prédécesseurs... La jouissance est ainsi doublée ! On y revient toujours... à ce rapport intime du jardinier au jardin... cette tension entre exclusivité et partage.


Et comment ne pas partager,
quand votre grand fils
de dix-sept ans

réclame "un truc un peu physique"
à faire au jardin ?


mardi 20 février 2007

La technique du Stagiaire Moustachu

En Février, le jardinier à l'écoute de son jardin sait que les grandes graminées, chatouillées par la nouvelle pousse, ne demandent qu'à être sévèrement rabattues.

Le jardinier à l'esprit pratique applique la technique dite "du Stagiaire Moustachu".
Dans un corps à corps dantesque, il empoigne la grande graminée et la ligote :


Monsieur B., jardinier du futur,
apprécie l'élégance du geste.







Ensuite, le jardinier taille d'importance,
sans craindre de se retrouver
sous la paille :





Pour finir, le jardinier habile et futé

ramasse sans peine un très joli fagot,
hop là !





Le jardinier se dépense sans compter, il sait que l'honnête travail est toujours récompensé :




lundi 19 février 2007

J'aime cette humidité...

... qui baigne ma prairie en bordure de Juine.

Comme le narrateur du Moulin sur la Floss, je suis jaloux des canards qui plongent loin la tête dans l'eau, entre les osiers !

Des osiers, ma prairie humide n'en avait pas ; je lui en ai offert six brins voici deux ans. Après rabattages et repiquages de rigueur, je suis aujourd'hui à la tête d'une petite oseraie.


Qu'est qu'il ne faut pas inventer pour gagner le droit de patauger dans la boue !


"I am in love with moistness,
and envy the white ducks

that are dipping their heads far

into the water here among the
withes, unmindful of the
awkward
appearance they make
in the drier world above"

dimanche 18 février 2007

Journal intime ?

Non, décidément, ceci ne sera pas un journal intime !
Les dernières lignes de la méditation d'ouverture pointaient dans la bonne direction :
ceci sera plutôt la chronique de mon jardin, du jardin de Germinal.

Il y a trois ans, arriver à Janville, découvrir le jardin, c'était comme revenir à la terre, aux origines paysannes un peu rêvées d'une famille qui a tout fait pour s'en éloigner.

A notre arrivée, bonheur suprême, le terrain était vierge : de l'herbe à vaches, c'est tout... avec ici et là quelques pommiers hors d'âge.

Depuis, au fil des saisons, j'essaye d'aider le
terrain à devenir jardin... et en retour, la terre m'aide à devenir jardinier.


In these small fields
I have known the delight
Of being reborn each morning
And dying each night.



Ah oui, on aura sûrement d'autres occasions de s'en rendre compte : Germinal est angliciste.
Mais attention, ceci n'est pas un
journal intime...
Ces lignes tracent le début de la chronique d'un
jardin intime, ce qui est tout autre chose, n'est-il pas ?


samedi 17 février 2007

To Blog or not to Blog...

... telle est la question... à laquelle je semble en passe de répondre par l'affirmative.

Passer de l'autre côté du miroir, pour quoi faire ?
Dire quoi... à qui ? Montrer quoi... à qui ?

A personne ? A tout le monde ?
A la planète avide d'échanges et de communication ?


Ce journal intime et néanmoins planétaire à pour titre "Germinal sur Juine".

"Germinal", c'est pour le côté à la fois littéraire et nature... un nom de guerre déjà utilisé pour signer des billets sur le blog de mon ami Thierry.

Enfin, Germinal est "
sur Juine", comme Janville, le village du Parc Naturel Régional du Gâtinais Français où j'ai la chance de vivre ; "sur Juine", comme mon jardin, au fond duquel coule la rivière...