Une maladie étrange sévit à Moscou.
Depuis trois jours, éruption de boutons. Tout frissonne en vert.
Bientôt les traces de coupe radicale de têtes d’arbres disparaîtront dans le feuillage.
Cher Germinal, je m’engouffre une fois de plus par la porte de votre beau jardin, pour vous confier une lettre pour nos amis du Jardin du Morvan.
Nourrie, par le blog de TD, de photos de la grande serre et de rangées de vivaces en plein champ, je mesure la distance qui me sépare du jardinier d’ici.
Malgré cet écart, un jardinier reconnaît toujours l’« autre jardinier », en l’occurrence une jardinière.
J’aimerais vous présenter Nina, vraie jardinière moscovite. Nina est notre concierge d’immeuble.
Comme avec la plupart des russes, la complicité s’établit au fil du temps, en déployant mutuellement des efforts linguistiques désespérés pour se comprendre.
La loge se partage de part et d’autre de l’entrée de l’immeuble. D’un côté, une jungle de plantes d’intérieur dans la bibliothèque de Nina, espace totalement ouvert aux visiteurs.
De l’autre, une petite cuisine-bureau, ouverte elle aussi sur l’entrée centrale et ses boîtes aux lettres.
De l’extérieur de l’immeuble, tout jardinier attentif perçoit qu’une activité intense se prépare derrière une fenêtre, de l’automne au printemps. Une pépiniériste officie là, derrière des rideaux en voile fleuri.
Moscou aime brouiller les cartes, question échelle.
La grande serre de Nina occupe le rebord intérieur de la fenêtre du bureau.
Sa resserre à outils et ses champs retournés se limitent au 3/4 d’un dessus du buffet.
Une lutte efficace contre une petite télé, rarement allumée.
Nina la jardinière lui préfère la lecture ou le téléphone.
Une dizaine de noix trempent dans un plat creux. Nina aime les noyers. Elle me fait compter les feuilles de l’un d’eux. Graines de primevères, de freesias, d’immortelles, boutures de vigne déjà en feuilles.
Et comme elle aime ses plantations, elle déploie 1000 ruses pour les mettre sous cloche. La bouteille plastique de Coca est une alliée efficace de Nina aux doigts verts. Du recyclage bien pensé.
Comme au Jardin du Morvan, la pépinière est l’objet de soins attentifs. Dans quelques jours, Nina replantera tout à la datcha.
Pour clore ma visite, je lui propose une séance photos. Elle me fait signe de lui accorder un instant et en moscovite coquette, elle réajuste sa coiffure. Je nous mitraille pour une série d’autoportraits, à la sauvage. Entre jardinières, on se comprend.
Puis, Nina m’offre un bocal de compote de baies rouges, mis en conserve à la datcha.
Je remonte chez moi.
Bolchoï spaciba, Nina.
(Bolchoï spaciba, Alticola !)
5 commentaires:
C'est trés beau, le texte, les images, le sourire....
tout cela nous remet à notre place, nous qui cherchons à remplir des m² de terrain.....
Par l'intermédiaire de Germinal, nous pouvons voyager dans l'international. La passion du végétal vivant peut se vivre partout et dans tous les espaces.
Merci Germinal. Merci Alticola et transmettez mon admiration à Nina.
Magnifique reportage, Alticola, comme quoi il n'est pas besoin d'avoir un grand lopin de terre pour donner libre cours à la fièvre verte!
Merci à Nina dont le regard emprunt de tendresse nous rappelle la profondeur de l'âme slave .
Hier soir, j'ai vu TD à la télé (TF1 20 heures), c'est la gloire!
Saint Jean de Beauregard a l'air magnifique, j'enrage de ne pouvoir y aller, j'espère me rattraper à Courson !
Merci pour ces gentils petits mots. je transmettrais vos bonjours de France à Nina...
Ps; pardonnez moi une GROSSE faute d'orthographe dans la transcription de "spaciba".
Encore un grand MERCI, chère Alticola, pour cette émouvante contribution. Germinal, que la phôte d'ortograf n'avait pas choqué, vous redit ici toute sa gratitude !
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