Dehors, il pleut et il vente, souvent fort, par méchantes bourrasques qui pilent tout sur leur passage. Les fières achillées sont à l'heure qu'il est vautrées dans l'herbe, les alchémilles sont raplapla, les herbes hautes dans la prairie ont de plus en plus de mal à relever le nez entre deux giboulées...
Alors, il ne reste plus au jardinier que de prendre son mal en patience, et d'adopter un point de vue pragmatique : si l'on ne peut rien faire dehors, agissons à l'intérieur !
Pris d'une crise de rangite aiguë, c'est ce qu'a fait Germinal. Il est aujourd'hui très fier d'exhiber sa remise à outils rangée, dotée d'étagères toutes neuves :
C'est fou, avant les étagères, une truie n'y aurait pas retrouvé ses petits, dans cette remise... avec les étagères, le jardinier vient de se donner plein d'espace vierge pour créer un fouillis tout neuf !
Dans la foulée, même les outils ont été lavés et à peu près rangés, en attendant un râtelier...
Mais là, Germinal se demande si ce serait bien raisonnable : il y a peut-être des limites à la rangite aiguë...
Heureusement, il reste au jardinier encore un peu de bon vieux chaos... ouf !
Mrs Spock vit dans un vaisseau intersidéral, entourée d’étoiles rouges.
Jardinière sans jardin, la jardinière n’a pas de pot ou plutôt en a désormais trois , embarqués lors d’une escale sur un continent exploré le dimanche par des foules de bipèdes aux aspirations bricoleuses et au langage mélodieux.
Une masse d’objets identifiés ou non recouvre ce continent : outils, boîtes à outils, tuyaux d’arrosage.
Les bipèdes s’y pressent en tous sens.
Ils s’attardent l’œil rêveur devant des sachets de graines au nom imprononçable pour Mrs Spock.
Mrs Spock est tombée en arrêt devant les trois pots.
L’idée du jardin intergalactique avait germé, entre la cueillette d’un décamètre à enrouleur et le choix perplexe d’un atviortka cruciforme.
Mrs Spock a chargé les trois pots sur le dos du capitaine Spock (il est très fort).
L’engrenage de la pensée jardinière s’est mis en mouvement et l’écho du mot « pot » ne s’est pas fait attendre : « plante ».
Mrs Spock a jeté son dévolu sur un ersatz de plante connue pour son bleu et un « je ne sais pas quoi », qui avait la couleur de l’H .I., le feuillage de l’H.I., mais n’en était pas.
Le troisième pot remplacerait avantageusement un vieux gobelet en plastique où se morfondait, dans le vaisseau, un être vert rachitique, assoiffé, abandonné dans le vaisseau par les précédents locataires.
Mrs. Spock n’avait pas eu le cœur de le balancer par la fenêtre du vaisseau, malgré sa répulsion première. Sa perception de cet être étrange, et très laid pour une vulcano-terrienne, lui laissait percevoir qu’il avait été le témoin d’une vie familiale heureuse ou malheureuse, là n’était pas la question, et que cet Alien ne pouvait qu’être un dieu lare du foyer,-on dira ce que l’on voudra, et Pascal l’a parié, y croire n’est pas une spéculation dénuée de logique-.
Les bons soins de Mrs Spock, une taille drastique, avaient redonné au petit dieu lare un semblant de bonne santé chlorophyllienne. Mrs Spock était convaincue que la délicate attention du pot lui concilierait les grâces de son petit dieu.
Capitaine Spock et Mrs Spock, prêts au retour dans le vaisseau intersidéral, se sont acquittés de l’étape 2 du protocole d’exploration « Terra incognita » : prélèvements d’échantillons pour analyse ultérieure.
Les sachets de graines ont rejoint la besace du Capitaine Spock. Un envoi ultérieur téléporté, comme il se doit, s’acheminera en direction de deux laboratoires expérimentaux de la planète Terre, celui du Professeur Herb Fowl et celui d’un enseigne de vaisseau intergalactique amateur d’absinthe et grand expert en botanique.
Expédition number one : over.
Le Professeur susnommé a reçu l'envoi téléporté ; il se penche depuis sans relâche sur les codes secrets qui protègent les prélèvements :