vendredi 16 mars 2007

Aha !

Dans les jardins anglais du dix-huitième siècle, on s'évertuait à reproduire l'illusion de nature. On jouait à se faire peur, en fabriquant des vraies-fausses grottes, des vraies-fausses ruines, dans l'esprit des romans "gothiques" d'Ann Radcliffe, Matthew Lewis, ou Horace Walpole *. L'autre grande préoccupation des paysagistes anglais de l'époque était de créer une perspective ; pour faire plus chic, ils appelaient ça une "vista". Et pour que la vue du domaine depuis la grande demeure ne fût point brisée par quelque vulgaire mur ou clôture, lesdits paysagistes inventèrent l'ingénieux "aha" (ou "ha-ha"), illustré ci-dessus. On voit ici le pauvre mouton empêché par le aha de pénétrer dans le jardin d'ornement. L'étymologie du mot prend néanmoins sa source dans une autre situation : imaginez le gentleman sur son coursier, en pleine chasse à courre au renard ; le rusé goupil file se réfugier sous les rosiers de Mylady, le fier coursier, pas idiot, pile net devant l'obstacle invisible que constitue le fossé, manquant de désarçonner son cavalier, lequel s'exclame : "Aha !".

Le nom de cet ingénieuse barrière invisible imite donc la réaction de surprise du pauvre humain confronté à l'inattendu...

Germinal en son jardin, il y a quelques années de cela, poussa pareille exclamation de surprise
alors que, le nez au vent, il se trouvait aux commandes de la vieille tondeuse auto-portée héritée de ses prédécesseurs... et qu'il passa dans sa prairie sur une souche à ras de sol : Aha ! (Exit la tondeuse auto-portée...)

Germinal s'est depuis acheté une très jolie faux ; qui ne fait pas de bruit, qui ne sent
pas mauvais ; qui lui permet de travailler au rythme de la nature...

Depuis, Germinal continue de s'exclamer : Aha ! Mais ces nouveaux "Aha !" n'expriment plus du dépit
: Germinal a changé de perspective, il ne rêve plus de tondeuses auto-portées !

Germinal lève les yeux au ciel, et contemple la ramure du grand platane : Aha !


Germinal baisse les yeux, passe de l'air à l'eau, et regarde la Juine au pied du platane ... Aha !


Germinal passe devant son tas de bois en équilibre instable, et aperçoit le soleil de l'après-midi qui passe entre les bûches... Aha... La belle vista que voilà !


Germinal a beaucoup de chance, son jardin lui réserve plein de bonnes surprises : Aha !



*Merci Alticola !
(voir son commentaire sur "La force du papillon")


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Germinal contemplatif fait "Aha !" mais quand il manie la belle faux fonctionnant à l'énergie musculaire gratuite, non polluante et renouvelable (un bon petit porridge et ça repart !), ce serait plutôt un "ahan", non ?

Germinal a dit…

Germinal ne se poste pas des commentaires à lui-même... il se permet seulement de se faire le porte-voix d'une visiteuse fine angliciste, inspirée par son modeste tas de bois ; merci, chère Janet :

Out walking in the frozen swamp one grey day
I paused and said, "I will turn back from here.
No, I will go on farther--and we shall see."
The hard snow held me, save where now and then
One foot went down. The view was all in Straight up and down of tall slim trees
Too much alike to mark or name a place by
So as to say for certain I was here
Or somewhere else: I was just far from home.
A small bird flew before me. He was careful
To put a tree between us when he lighted,
And say no word to tell me who he was
Who was so foolish as to think what he thought.
He thought that I was after him for a feather--
The white one in his tail; like one who takes
Everything said as personal to himself.
One flight out sideways would have undeceived him.
And then there was a pile of wood for which
I forgot him and let his little fear
Carry him off the way I might have gone,
Without so much as wishing him good-night.
He went behind it to make his last stand.
It was a cord of maple, cut and split
And piled--and measured, four by four by eight.
And not another like it could I see.
No runner tracks in this year's snow looped near it.
And it was older sure than this year's cutting,
Or even last year's or the year's before.
The wood was grey and the bark warping off it
And the pile somewhat sunken. Clematis
Had wound strings round and round it like a bundle.
What held it though on one side was a tree
Still growing, and on one a stake and prop,
These latter about to fall. I thought that only
Someone who lived in turning to fresh tasks
Could so forget his handiwork on which
He spent himself, the labour of his axe,
And leave it there far from a useful fireplace
To warm the frozen swamp as best it could
With the slow smokeless burning of decay.


Robert Frost, North of Boston, 1914.

Germinal a dit…

Oups ! Le titre du poème de Robert Frost est
"The wood-pile"