jeudi 22 mars 2007

Le Pétasite masqué

Mercredi, jour des enfants, le jardinier avait promis de montrer à Monsieur B. ses Pétasites (japonicus 'Giganteus') plantés à l'automne dernier.

Jardiniers père et fils descendirent donc comme un seul homme en bord de Juine, habitat jugé favorable aux dits Pétasites par le père de Monsieur B..

Arrivé dans la prairie, Monsieur B. ressentait l'ivresse des grands espaces, il était prêt à admirer les plantes géantes dont son père lui avait chanté la geste :


Quelle ne fut pas sa déception une fois devant la nouvelle plate bande !

Où étaient-ils, les colosses du monde végétal, les fameux parasols de lutins avec lesquels on l'avait fait rêver ? Monsieur B. se retourna alors vers son jardinier de père, quelque peu dubitatif :

M'enfin, ils sont où, tes Pétasites ? Même les bébés bourgeons ont disparu !


Germinal n'est pas jardinier à se laisser décontenancer par un bambin, il se lança sur le champ dans la tirade botanique suivante :

"Enfant de peu de foi ! Pourquoi diable veux-tu que les Pétasites soient déjà en feuilles alors que les chênes et les charmes sont encore tous nus… regarde l'aulne sous lequel ils sont plantés, est-il en feuilles, lui ?

Les feuilles des Pétasites, si elles étaient déjà sorties, seraient condamnées à une mort certaine : il va geler encore, en mars et avril. Les Pétasites fleurissent, certes, en hiver, comme les cognassiers du japon. Car leurs fleurs étaient déjà formées l’an dernier, et elles ne gèlent pas (pas de flotte dans une fleur de Pétasite, un peu plus déjà dans celles du cognassier, beaucoup dans les grandes feuilles du Pétasite).

Dans les feuilles du cognassier, il y a déjà plus d’eau, elles pousseront donc plus tard. Dans les feuilles salades du Pétasites, il y a beaucoup d’eau, elles pousseront beaucoup plus tard.

Quant aux petits machins qui sont sortis, c’était des amorces de fleurs (des fleurs de petits bébés Pétasites) qui ont ensuite fané… A partir de l'an prochain, ces fleurs seront plus belles, comme des demi-balles de tennis, molles et sales, à ras de terre en janvier-février…

Bien sûr, si le Pétasite est trompé par la douce nature qui fait semblant d’être en mai, il pourra faire une amorce de feuille… qui restera au stade de bourgeon dense (et donc bourré de sels minéraux, sans eau) le temps que le temps soit vraiment le temps qu’il faut pour que le grand cycle s’accomplisse !"

Oh, mon Papa, s'écria alors Monsieur B., c'est beau comme du Thierry Denis !

Mon enfant, ne prononce pas le nom du Maître du Jardin du Morvan à la légère :
C'EST du Thierry Denis !

Oh, Merci mon Papa, pour cette belle leçon de sciences naturelles et de patience ! Tiens, je t'offre ce joli dessin de Pétasites :



6 commentaires:

Anonyme a dit…

"Belles comme des demi-balles de tennis molles et sales", rien que d'y penser, ça fait rêver !

Anonyme a dit…

Waouh ! superbe dessin, Barnabé... tu sais, chez moi, les fleurs de pétasites sont réveillées depuis longtemps, mais aujourd'hui, il neige de gros flocons, on m'a remis ma combinaison et puis, et puis...hier, j'ai même lugé...

Anonyme a dit…

Quel bonheur, ce blog, plein de charme, de poésie...Je suis persuadée que la nuit, quand tout dort, Elfes et Lutins se bousculent pour le lire.

Anonyme a dit…

Nom d'une baguette magique ! la fleur de pétasite du dessin s'est transformée en Pas d'Âne...

alticola siberis a dit…

Il n'y a pas que les elfes qui se relèvent pour lire la nuit...quoique je me demande en effet si cette nuit la vision des "demi-balles de tennis molles et sales" ne va pas m'anesthésier autant qu'une camomille.
On dira ce qu'on veut mais la poésie est un art en marche. Germinal le sait bien : pourquoi s'arrêter sur le beau quand on a aussi le laid et l'hirsute.

Anonyme a dit…

Monsieur B. est drôlement bien équipé ! Futur pêcheur des bords de Juine ?